Les hauts et les bas de l’ICW (Intracoastal Waterway) 1er au 11 novembre 2019

Malgré les nombreux facteurs de stress, la navigation sera beaucoup plus calme dans l’Intracoastal. En tout cas, il n’y a pas de vagues! Petits canaux et rivières, jolis paysages. Opérateurs de pont gentils. Les vagues nous ayant pas mal brassé, nous étions contents d’avoir un cours d’eau plus plat.

1er novembre StM 0 à 12

Nous quittons Portsmouth pour une toute petite navigation de 12 miles terrestres. Dans l’Intracoastal Waterway, les distances sont indiquées en statute miles (StM) et non en miles nautiques, ce qui facilite le repérage des points d’intérêts, des ponts et des obstacles.

Le Mile Marker 0 de l’Intracoastal, personnifié par la bouée 36

Tout de suite après l’écluse (on descend d’un gros 6 pouces!!) et un pont à faire ouvrir, nous accostons au quai gratuit de Great Bridge. Nous l’apprécions beaucoup mais malheureusement il n’y a aucun service. Il y a une sorte de musée / centre d’information qui est en construction mais tout est barré et manifestement pas encore terminé. Nous profitons aussi de l’épicerie de Great Bridge pour faire le plein.

2 novembre StM 12 à 62
Grosse journée! Nous faisons généralement 6 miles nautiques à l’heure. 50 miles terrestres représentent un peu plus de 43 miles nautiques à faire, ce qui signifie une journée d’un peu plus de 7 heures à naviguer. C’est quand même beaucoup. Mais tout se passe bien.

Nous entrons aujourd’hui en Caroline du Nord! Wouhou, je pousse un cri de joie, enfin nous allons vers le sud et la chaleur (c’est ce que je croyais à ce moment).

Nous nous rendons jusqu’à devant Broad Creek, dans la North River.

3 novembre StM 62 à 127
Très grosse journée. Nous naviguons dans l’Alligator river (sans en croiser un seul, fiou!) et nous choisissons un ancrage dans la Pungo River. Ce sera un de nos plus joli mouillage. Par contre, cette journée marque le début du froid, pour ne pas dire, du frette!

Pour nous tenir chaud nous avons passé un pont aujourd’hui, le pont Wilkerson. Au lieu des 65 pieds de hauteur réglementaire sous la structure, il a 64 pieds. Notre mât fait 62 pieds de haut. Du niveau de l’eau où je me trouve il est impossible de savoir si ça passe sous le pont ou non. Il faut faire confiance au panneau indicateur de hauteur affiché sur le pilier du pont.

Quand il n’est pas effacé. Ou démoli. Ou tout simplement manquant.

Dans ce cas précis nous avons fait demi tour pour vérifier une petite échelle de hauteur installée sur un poteau des miles de l’Intracoastal. Ça semblait ok. Nous y allons très lentement… ça passe, mais pas de beaucoup!

4 novembre StM 127 à 135
Les deux derniers jours d’intense navigation, des forts vents et les poches de lavages qui débordent nous font prendre une marina.

Petit privilège de navigation calme

Nous choisissons la marina de Belhaven, qui offre le lavage – et le savon! – gratuitement, et qui s’avère être bien nichée dans un bras de rivière derrière un nouveau développement de condos (ce qui coupe complètement le vent).

Ils annoncent même une température agréable pour l’après-midi alors les filles et moi on va explorer. Il y a une mini plage à Belhaven. Mais ne faites pas le détour pour elle. Les filles étaient bien contentes d’enfin mettre leurs pieds dans le sable jusqu’à ce que nous réalisions qu’elle était pleine de morceaux de verre brisé. Tout comme le module de jeu qui semblait laissé à l’abandon.

À la marina de Belhaven, les filles ont trouvé leur salle de toilette préférée. C’est qu’elles se font un palmarès depuis le départ! Elles sont très critiques sur les matériaux utilisés, la décoration, la propreté, etc. Cette salle de bain  sera dure à battre. Déco parfaite, propreté irréprochable, savons et serviettes fournis. Wow.

5 novembre StM 135 à 182
Nous repartons de Belhaven pour nous rendre à Oriental. Nous faisons un départ tardif car il pleut et il ne fait pas très chaud.

Nous arrivons à Oriental vers la fin de la journée. Nos amis de Jazzy Lady y sont déjà, ils ont pris un des quais gratuits. Nous arrivons un peu tard et il n’y a pas de place, ni aux quais, ni à l’ancre. Le seul endroit avec de la place sans bloquer le chenal se révèle avoir des profondeurs que notre quille n’aime pas… ça passe de 12 pieds à 6 pieds instantanément. Nous nous dépêchons de faire marche arrière, nous ne sommes pas encore à marée basse et on ne veut pas se mettre à toucher le fond au milieu de la nuit.

Mais que fait-on? On « squatte » un quai ouvert sur la baie, où il n’y a qu’un seul autre voilier. Un monsieur qui passait par là nous aide à nous attacher. Nous lui expliquons que nous ne voulons rester que pour la nuit et que nous paierons demain… il nous dit qu’il n’en voit pas l’utilité puisque le propriétaire est la plupart du temps invisible… si il vient à la marina! Euh, bon, ok. Finalement on quittera le lendemain matin sans avoir vu personne.

6 novembre StM 182 à 205
Nous partons à Morehead avec l’idée d’arrêter au Sanitary Fish Market pour acheter des provisions de poisson et/ou fruits de mer et qui offre aussi des quai pour la nuit à peu de frais si on y mange. On se dit qu’on verra et qu’au pire on ira se mettre à l’ancre.

Je trouve Morehead jolie vue de l’eau, malgré les grosses usines derrière et le port très commercial. C’est que l’inlet de Beaufort est tout à côté et les cargos naviguent souvent autour d’ici.

Morehead – Mathilde aux pizzas

Il y a une affiche sur les quais du Sanitary qui mentionne effectivement que les quais sont gratuits le jour. Jazzy Lady vient nous y rejoindre. Nous nous donnons rendez-vous pour le souper au Sanitary mais nous, nous y allons aussi plus tôt dans la journée pour acheter des produits frais… que nous ne trouverons pas! Nous trouvons plutôt un vieux monsieur. Nous lui demandons si on peut acheter des poissons ou des fruits de mer. Il nous répond avec un accent à couper au couteau mais j’arrive à comprendre qu’il veut savoir si on viendra manger au resto ce soir… Je l’assure que oui et je lui redemande pour le poisson.Il part chercher des dessins pour les filles avec un menu pour enfants (pour le resto). Je me mets en quête d’un comptoir, de quelqu’un… mais rien. Il y a bien un petit comptoir devant la cuisine du restaurant mais il n’y a personne. J’abandonne ma recherche de produits frais et nous allons visiter la ville.

Peut-être est-ce parce que nous sommes un peu hors saison, mais la ville est vide. La moitié des commerces est fermée, l’autre moitié est abandonnée. Nous trouvons du lait et des breuvages à la station d’essence. Mais ce sera tout. C’est vraiment dommage car Morehead doit être très jolie en période d’activité.

Morehead, malheureusement

Le souper au Sanitary avec les amis aura été très agréable. C’est à ce moment qu’ils nous ont demandé si on prenait la mer avec eux… le lendemain matin à 4h! On aurait tellement aimé mais nous n’y étions pas préparé. Nous n’avions pas fait le plein d’eau et de diesel (la marina de Belhaven n’avait pas d’installation pour offrir du fuel). Quel dommage. On l’a beaucoup regretté et on le regrette encore. Une belle petite traversée de 12h vers Charleston, pour nous pousser du froid et éviter les embûches de l’Intracostal.

Coucher de soleil sur Morehead

Ce que ça nous a donné par contre, c’est que nous avons eu de bonnes raisons d’être fiers de nous dans les jours suivants.

7 novembre StM 205 à 229
Notre départ de Morehead aura été salué par des tonnes de dauphins. Ils viennent jouer en groupes juste dans l’entrée de la baie! C’est magnifique à voir!

Dauphins à la sortie de Morehead

Petite journée de Morehead à Swansboro. Nous voulons absolument bouger. La température n’est pas agréable et on ne peut pas rester au quai du Sanitary indéfiniment.

Nous partons en début d’après-midi seulement. C’est qu’à partir de Morehead, ça se corse. Les hauts fonds vis à vis les inlets (trous dans les rivages qui mènent à la mer) sont fréquents et des fois très importants. Il y a une profondeur théorique de 12 pieds dans l’Intracoastal. Certaines sections sont réglementées à 9 pieds. Mais avec les courants de marées, le sable se déplace et il n’est pas rare de se retrouver avec des profondeurs de 5 à 6 pieds.

ICW On contourne les hauts fonds

Il faut donc planifier les navigation avec les heures de marées hautes. Il faut réussir à obtenir les heures et les niveaux de marée à l’endroit où l’on passe (des fois il y a une marée de 1 pied, d’autre fois 7 pieds!!).

C’était notre première expérience de planification de ce genre et un de nos bateaux amis s’était échoué la veille. Alors on était un peu stressés.

ICW C’est pas creux au pélican

Tout a bien été. Notre planification était excellente! Le seul hic c’est que les marées ne sont pas de notre côté. Elles ont lieu à 3h du matin et 15h. Ce qui ne nous laisse pas beaucoup de temps pour naviguer. On avance moins loin. En temps normal, ce ne serait pas grave. Mais là il fait gris et froid et on nous annonce (encore) du 40 noeuds de vents pour la nuit. Alors le moral est en baisse.

ICW La météo n’est pas avec nous mais c’est tout de même joli!

Nous ancrons à Swansboro et nous sommes chanceux, le vent et le courant sont de notre côté. L’ancre grippe tout de suite. Ça nous rassure. Et nous prenons alors le temps d’être fiers de ce que l’on a accompli. Une belle planification et on l’a bien réalisée!!

Coucher de soleil à Swansboro

J’avais hâte de mettre le pied à terre pour aller à l’épicerie. Nous étions plutôt dû question nourriture. La pluie et le froid m’en auront découragée. J’avais fait de grosses réserves avant de partir. Ouvrons du cannage!!!

8 novembre
On reste au bateau. Ça brasse, les vents sont forts, on prépare notre navigation des prochains jours et on fait de l’école. Et des évaluations.

9 novembre StM 229 à 285
Swansboro à Wrightsville. Il fait moins mille. On s’habille comme des ours et on avance. Des ponts fixes dont un à 64 pieds et 3 ponts ouvrants. Je commence à préférer les ouvrants. C’est moins stressant et les opérateurs de ponts sont bien gentils.

Nous croisons aussi Camp Lejeune (terrain de pratique de tir de l’armée américaine) sans nous faire tirer dessus! Fiou!

Wrightsville. C’est vraiment magifique. De grandes plages, une jolie baie… J’aurais voulu débarquer pour aller à la plage mais il fait tellement froid qu’on n’a pas même pas envie de sortir d’Océo pour aller à terre. On se colle et on cuisine pour faire chauffer le poêle!

10 novembre StM 285 à 311
L’Intracoastal défile devant nous entre Wrightsville et Southport. Des ponts, des hauts fonds, de la nature vierge et des maisons cossues, des marinas pour de gros bateaux moteurs. Le bord de l’eau des États-Unis est un endroit pour les riches.

Nous décidons de faire les riches aussi, avec les fronts froids qui passent à répétition et les ancrages protégés qui se font plus rares dans ce secteur nous décidons d’arrêter à la South Harbour Marina, en banlieue de Southport. Ce sera un mauvais choix. Pas de services à proximité, quai directement sur l’Intracoastal avec les vagues des bateaux passants qui viennent avec. Du personnel peu amène… le propriétaire a bien essayé de faire copain-copain avec Mathilde mais ça n’a pas effacé la mauvaise impression du début. Au moins, nous étions bien attachés pour passer la nuit.

11 novembre StM 311 à 373: La journée du faites ce que je dis, pas ce que je fais!!!

Nous partons de Soutport dans l’idée de nous ancrer dans la rivière Calabash. Il vente un peu et nous savons que ça va empirer dans les prochains jours. Nous ne sommes donc pas convaincus de notre choix d’ancrage.

Décider d’un ancrage que nous n’avons jamais vu, basé sur des guides et des commentaires, c’est toujours un peu insécurisant parce qu’on ne sait pas si les conditions auxquelles nous ferons face seront les mêmes que celles des gens qui ont donné les informations.

Arrivés devant la Calabash, avant même d’entrer dans la rivière, nous sommes convaincus qu’avec les vents annoncés ce n’est pas un bon choix. En plus de n’être pas très large, donc pas d’espace de « swing » (bateau qui tourne sur son ancre avec le courant et/ou le vent), il n’y a pas vraiment de protection pour les vents annoncés.

Il est tôt dans l’après-midi, nous décidons de continuer même si nous savons très bien qu’il n’y a pas d’ancrage possible pour nous dans les prochains miles. Nous nous résignons à prendre (encore) une marina si nous ne trouvons pas d’ancrage.

Dans l’après-midi, nous négocions une passe particulièrement difficile pour un haut-fond qui ne nous laisse pas beaucoup de marge de manoeuvre. Seb et moi dans le cockpit, nous sommes très concentrés et nous arrivons au bout le plus difficile. Au sondeur, nous voyons, 7 pieds, 6 pieds… PAAAAAF!!! On pousse un cri tous les deux. Un dauphin très curieux est venu souffler très fort juste à côté de Seb, et quand je dis juste à côté, c’est à 2 pieds du bateau, et assez fort pour que le bruit (et la vision d’un gros truc qui sort de l’eau tout d’un coup!!) nous fasse sursauter! Ouf, on rit un peu jaune avant d’essayer de se refocusser sur nos instruments mais c’est difficile!!! Quelle entrée en scène de ce dauphin!

Pour corser un peu les choses, nous passons aussi dans un petit chenal étroit appelé le Rock Pile. Pas de place pour nous plus une barge de large alors on écoute comme il faut les avertissements sur le VHF. C’est que contrairement à la majorité de l’Intracoastal, les obstacles que nous pouvons rencontrer ici sont plus de l’ordre des roches que du sable. Ça cogne un peu plus dur lors d’un échouage alors on est archi prudents!

Il est rendu 16h. Il est vraiment temps de se fixer pour la nuit. Il n’est pas recommandé de naviguer de nuit dans l’Intracoastal. Il est impossible de voir les obstacles et plusieurs des marqueurs (bouées qui nous dirigent) n’ont pas de lumière. Mais il n’y a pas d’ancrage. Et pas de marina. Que fait-on? Rebrousser chemin? Oh que non, on est en mode on avance et pas question de revenir sur nos pas… D’après mes calculs, nous pouvons atteindre la marina Osprey pour… 18h30! Le soleil se couche vers 17h15, nous avons de la pénombre jusqu’à 17h45… on tente le coup?

J’appelle la marina et ils peuvent nous accueillir au quai de fuel pour la nuit. –Your ETA please? – 18h30. – What??

J’appelle aussi le pont ouvrant juste avant la marina pour m’assurer que les guides sont exacts et qu’il ouvre bien à toute heure du jour (et de la nuit!!). – Euuuh, yes captain, we can open the bridge for you at night, but are you really sailing the ICW at night?

ICW la nuit

Le soleil se couche, la pénombre est là, la grosse lune se lève mais nous tombons dans un secteur où les arbres se referment et nous ne distinguons plus la ligne entre le bas des arbres et l’eau. Je propose à Sébastien de faire une vigie au cas où il y aurait des débris dans l’eau. Il décline, il ne veut pas que j’aille me geler à l’avant et de toutes façons, nous n’avons presque pas rencontré de débris ces derniers jours… BAAAAM, BAAAM, BAAAM!!!

Trois fois! Ce foutu 8 x 8 de construction nous a frappé 3 fois! Sans rien endommager, une chance! Misère. Alors je cours faire une vigie. J’essaie d’éclairer sans éblouir Seb ce qui s’avère plutôt difficile.

Nous arrivons enfin au pont ouvrant, nous aurons traversé 17 ponts aujourd’hui. Un record!

ICW Un de nos 17 ponts de la journée

Deux petits miles plus loin dans la noirceur la plus totale, nous faisons notre entrée dans le petit chenal de la marina. Totalement protégée de tous les côtés. Un petit sac de bienvenue nous attend, avec des trucs à grignoter et la carte magique pour les douches chaudes.

Bienvenue à Osprey Marina

Le propriétaire de la marina me dira le lendemain que je n’aurais pas dû naviguer de nuit. Je lui ai dit que j’étais complètement d’accord. Qu’on ne le referais pas.

Faites ce que je dis, pas ce que je fais!!

7 commentaires sur « Les hauts et les bas de l’ICW (Intracoastal Waterway) 1er au 11 novembre 2019 »

  1. That was an exciting chapter! I’m glad you made it safe to the marina through the darkness. There were some beautiful pictures before that, especially the sunrise. Hope it starts getting warmer too!

  2. Toujours un plaisir de vous lire et les photos sont magnifiques!
    Était-ce une vraie girafe??
    Bisouxxxxx

    1. Ben non ce n’était pas une vraie, sinon Livia aurait sauté à l’eau pour aller la rejoindre!!! Hihi! xxxxx

  3. WoW! Toute une aventure, j’aime votre prudence……
    Je suis très content d’avoir de vos nouvelles.
    Je vous aime tous les 5, j’espère que vous aurez de la chaleur bientôt.
    ?????

  4. On est plusieurs à vous suivre.
    J’aurais aimé avoir votre courage, mais à défaut, je peux lire vos aventures par vos rapports de navigation.
    Continuez à avancer malgré le froid et le vent, et ça se réchauffera bientôt., et vous pourrez prendre une pause bien méritée.
    Au Québec, on vient juste de voir la température se réchauffer et cela se maintiendra pour 4-5 jours au moins, alors vous devriez aussi en sentir l’effet.
    Salutation ! Réjean

    1. Merci pour les encouragements Réjean! Effectivement ça se réchauffe un peu ici, nous sommes rendus à St Augustine et je vais essayer de poster tous mes articles en retard! Merci de nous suivre et heureuse de pouvoir te faire voyager avec nous.

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